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Arménie-Turquie, l’économie pour contourner le politique (2ème partie)

Le dernier numéro de France-Arménie a présenté la première partie de cet article en décrivant le commerce bilatéral via la Géorgie et le désir de rapprochement des hommes d’affaires des 2 pays.

La deuxième partie de l’article que nous publions aujourd’hui est consacré aux scénarios de levée du blocus analysés jusqu’à présent et aux résultats d’enquêtes menées auprès d’hommes d’affaires des 2 côtés de la frontière et relatives à un éventuel au rapprochement économique entre les 2 pays.  

La levée du blocus économique
Durant la dernière décennie plusieurs études prospectives sur les effets d’une éventuelle ouverture des frontières ont donné des résultats assez contradictoires.
a- Pour l’étude de la Banque Mondiale effectuée en 2000, la réouverture des frontières avec la Turquie et l’Azerbaïdjan stimulerait fortement l’économie arménienne et le PIB augmenterait de 30%. Cette étude suppose en particulier que l’Arménie a un surplus de capacité énergétique qui serait exporté vers ses voisins, générant ainsi des rentrées supplémentaires.

Cependant, l’économie arménienne a fortement évolué depuis : le PIB a   progressé très rapidement, la part des productions nécessitant des transports a baissé alors que celle des services, des technologies de l’information et de la joaillerie a augmenté.

Au vu des transformations de l’économie arménienne et des hypothèses retenues les résultats de cette étude paraissent bien exagérés.

b- L’étude de l’AEPLAC (Armenian-European Policy and Legal Advice Center) date de Juillet 2005 et arrive à une conclusion qui contredit les résultats du rapport de la Banque Mondiale.

Mais la réouverture de la frontière mettrait fin au monopole de la Géorgie et permettrait aux produits arméniens d’accéder aux marchés internationaux.
Les coûts de transport seraient certes moins élevés, mais il n’y aurait pas de modifications significatives dans les produits échangés, même si les volumes seraient plus élevés. Le taux de croissance du PIB n’augmenterait que de 0,67% à court terme et de 2,7% à l’horizon de 5 ans.
D’après cette étude les effets globaux attendus sont par conséquent relativement modestes pour l’Arménie.
c- Une autre étude réalisée en 2009 et intitulée « les problèmes essentiels de l’ouverture de la frontière entre l’Arménie et la Turquie », les auteurs (Tsarukyan, Hovhannisyan, Papayan) notent qu’une telle ouverture entrainerait en premier lieu des échanges commerciaux et des régulations légales plus importantes du commerce. Actuellement ces régulations sont dissymétriques.

Pour les importations :
– la Turquie a une politique diversifiée d’importation qui assure une bonne protection du marché intérieur et des opportunités pour les producteurs ;
– l’Arménie, par contre, a une politique douanière uniforme, ce qui n’assure pas une bonne protection du marché et rend les producteurs  vulnérables.
Les politiques d’exportation sont aussi différentes :
– la Turquie a mis en place une importante assistance aux exportateurs pour protéger leurs intérêts ; les produits turcs ont une forte compétitivité sur les marchés extérieurs.
– en Arménie l’aide aux exportations est en principe confiée à des agences gouvernementales dont les activités ne sont pas très transparentes et dont le travail n’est pas très effectif.

Dans ces conditions la Turquie est certainement avantagée aujourd’hui en termes de régulation économique et de commerce bilatéral. En cas d’ouverture de la frontière, l’Arménie sera dominée et son marché intérieur sera envahi par les produits turcs.

Sondages et enquêtes d’opinion
Plusieurs sondages d’opinion menés ces dernières années aussi bien en Arménie qu’en Turquie ont donné des résultats intéressants. Il est possible de citer quelques exemples.

1- A la question relative aux raisons qui empêchent le développement des échanges bilatéraux, le classement des obstacles par ordre d’importance a été le même dans les 2 pays :
les obstacles politiques sont cités en premier (52% en Arménie, 44% en Turquie) suivis des obstacles historiques/ethniques, des obstacles législatifs/légaux et des obstacles psychologiques pour débuter une coopération.

2- A la question relative à la nature de l’assistance attendue de la part de l’Etat, le classement diffère : l’assistance financière vient en premier pour les Arméniens (40%), suivie de l’assistance juridique (30%) et de celle pour la recherche d’information (26%).

Pour les Turcs, c’est l’assistance dans la recherche d’informations qui est citée en premier (30%) suivie de l’assistance financière (25%) et de l’assistance dans les transports (22%)
L’importance de l’assistance dans la recherche d’information provient de l’absence de relations diplomatiques et/ou consulaires.

Malgré ces obstacles, la coopération entre entreprises arméniennes et  turques a débuté en 1994 dans le secteur du tourisme, les exportations de textiles représentent une part importante du total des échanges et les premiers contacts dans le secteur des technologies de l’information ont été pris en 2009.

D’une manière générale, les personnes interrogées en Turquie voient de possibles coopérations dans les secteurs du tourisme (40%), des textiles (31%), des transports (15%), de la construction et matériaux de construction (9%) et de l’agriculture (5%).

Ces sondages montrent que du côté arménien le bénéfice attendu le plus important est au niveau économique ; le principal risque est que l’économie arménienne ne soit pas assez compétitive et souffre de la compétition directe avec l’économie turque.
L’opinion publique, des 2 côté de la frontière n’est pas complètement enthousiaste, ni complètement opposé à l’établissement de relations diplomatique et à l’ouverture de la frontière.

Quoi qu’il en soit, la tendance à long terme des relations économiques semble  montrer une volonté de rapprochement. Ainsi, à l’initiative de  l’Union des Industriels et Hommes d’Affaires d’Arménie, la 4ème rencontre arméno-turque s’est déroulés les 5 et 6 octobre 2012 à Erévan avec la participation d’une cinquantaine d’hommes d’affaires des provinces Est de la Turquie. L’éventualité de l’établissement d’une ligne aérienne Van-Erévan a été étudiée.

Ces initiatives permettront-t-elles de contourner les obstacles politiques ?

Gérard Achdjian
Apricot Group
Mise en relations d’affaires avec l’Arménie
Pour des informations détaillées sur l’économie de l’Arménie, veuillez consulter le site  www.gab-ibn.com

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