En novembre 2010, dans son communiqué sur l’Arménie le Conseil des Directeurs du FMI notait que les mesures prises jusqu’à présent n’ont pas été suffisantes pour garantir à moyen terme une croissance soutenable du pays.
« Des réformes audacieuses et profondes sont nécessaires pour améliorer la gouvernance, accroître la compétitivité, freiner les comportements monopolistiques, diversifier les exportations et d’une manière générale moderniser l’économie ».
Ces observations sont toujours d’actualité mais, malgré l’instabilité internationale et régionale ainsi que les difficultés internes la croissance est indéniable surtout dans des secteurs particuliers.
La croissance économique
La croissance du Produit Intérieur Brut (indicateur de création de richesses dans un pays) a été de +3,5% en 2013.
Il faut rappeler que la crise financière de 2009 a très fortement touché l’Arménie et son PIB a reculé de 14,4%. Mais à partir de 2010 l’indicateur a enregistré des croissances positives.
En 2013 tous les secteurs ont évolué positivement à l’exception de la construction (Tableau 1).
Par ailleurs, malgré la très forte hausse des exportations, le déficit commercial s’est encore aggravé (2 997 millions USD). Les importations représentent 3 fois les exportations
Parallèlement , le pays a enregistré un taux d’inflation de 5,8% en raison principalement de l’augmentation des prix des services (+9,7%), des boissons alcoolisés et du tabac. Cette tendance a continué durant les 4 premiers mois de 2014 pour les mêmes raisons, bien que plus modérément.
Durant la même année les transferts non commerciaux provenant de l’étranger via le système bancaire se sont élevés à environ 1,9 milliard de dollars, soit 18% du PIB. Au premier trimestre de l’année en cours ces transferts ont représentés 330,8 millions USD dont 80% en provenance de Russie.
Le secteur industriel
Il comprend les activités minières, les industries de transformation ainsi que la production et la distribution d’énergie.
La production industrielle a progressé de 6,8% en 2013 à 3 029 m USD. Mais cette tendance s’est inversée au 1er trimestre 2014 (-2,8%) : la production minière a baissé de 1,2% et les industries de transformation de 4,1%. Ce sont les seuls secteurs ayant enregistré un recul durant cette période.
– Les productions minières représente 17,3% de l’ensemble de la production industrielle, elles sont concentrées dans les régions du sud (Syunik) et du nord du pays (Lori).
– Les industries de transformation (63,0% de l’ensemble) sont implantées surtout autour d’Erévan, mais aussi dans les régions de Syunik, de Kotayk, d’Ararat et de Lori ; globalement ces régions regroupent 86,4% des industries de transformation.
Les plus importantes productions industrielles sont :
– les industries agroalimentaires (33,2%), de fabrication de boissons (17,3) et de tabac (5,8%).
– les industries de transformation de minerais (7,6%) et de métallurgie (18,3%)
– la joaillerie, qui représente 2,4%.
– Les productions d’électricité, de gaz et d’eau chaude (19,7%). La production d’électricité peut être d’origine hydraulique (20,5%), thermique (59,5%) ou nucléaire (20,0%).
En 2013, environ 2 000 entreprises industrielles étaient en activité ; c’est la production des entreprises de tailles moyenne (51 à 100 salariés) qui a enregistré le taux de croissance le plus élevé (+28,6%) alors que le taux de croissance des TPE (très petites entreprises) a fortement régressé (-34,8%).
Les Petites et Moyennes Entreprises (PME) représentent 42,5% du PIB total et sont à l’origine de 18% de ses exportations. Pour encourager leur développement l’Etat arménien a créé en 2002 le Centre National pour le Développement des PME avec des objectifs précis dont :
– la mise à disposition d’informations économiques et juridiques, et de services de consultation,
– des services d’aide au développement des affaires
– l’assistance financière : accès à des garanties de crédit, financement de capital, subvention partielle des intérêts d’emprunt.
Cependant, malgré ce cadre favorable, de nombreux problèmes grèvent encore leur développement rapide ; les plus importants sont les taux d’intérêt bancaires élevés et les lacunes du système de l’Administration fiscale (corruption).
Le secteur industriel de l’Arménie n’est pas encore suffisamment développé mais un potentiel important existe en terme de matières premières (produits agricoles, métaux,…) et de savoir faire ; il a besoin d’importants investissements et d’un environnement favorable des affaires. Même si le marché intérieur est limité, des avantages comparatifs peuvent être dégagés dans des secteurs et niches de haute technologie où des possibilités d’exportation existent.
L’agriculture
Après l’année de crise financière et les très mauvaises conditions climatiques de 2010 la production agricole a renoué avec une tendance haussière depuis en 2011.
La production du secteur agricole de l’année 2013 s’est élevée à 2 299 millions de dollars (m USD) ; elle a progressé de 7,6% par rapport à 2012. Les cultures y ont contribué pour 60,9%, l’élevage pour 36,7% et la pisciculture pour 2,4%. Ce dernier, est un nouveau secteur à fort potentiel.
Les cultures les plus importantes sont celles du blé, de la pomme de terre, des légumes et des fruits, avec une place particulière pour les raisins.
Les provinces les plus agricoles sont le Guégharkounok (18,0% de la production en 2013), l’Armavir (17,8%), l’Ararat (14,8%), le Chirak (11,6%) et l’Aragadzoten (9,7%).
Le degré d’autosuffisance alimentaire devrait atteindre 80% jusqu’en 2020 alors qu’il est de 60% actuellement. Il est faible pour le blé et le porc mais relativement élevé pour les pommes de terres, les fruits et raisins, les moutons et les chèvres.
La situation au premier trimestre 2014
La progression de la production agricole a été de 5,5% durant cette période. Par exemple, plus de 11 mille tonnes de fruits et légumes frais ont été exportées vers la Géorgie, la Russie, l’Irak, les EAU et l’Ukraine ; soit un triplement par rapport à la même période de 2013.
Cependant les dégâts occasionnés par les intempéries et les gelées de fin mars, auront des conséquences néfastes en termes de récoltes, d’exportations et de prix. En certaines régions de la vallée de l’Ararat, presque 100% des récoltes d’abricot ont été endommagées et les pertes des fermiers sont évaluées à environ 27 millions de dollars. Les autorités ont décidé d’accorder des subventions d’un montant de 673 000 USD et de réduire de 50% le tarif d’eau d’irrigation.
D’autres branches de l’agriculture doivent aussi surmonter des difficultés :
– de nombreuses fermes qui exploitent des serres sont en train d’arrêter leurs activités en raison de la hausse du prix du gaz ; Gazprom-Armenia refuse de les aider.
– malgré le très fort potentiel de développement, les fermes piscicoles sont elles aussi dans une situation difficile pour diverses raisons : augmentation du prix de l’énergie, coût très élevé de l’adoption du système semi-clos de recyclage imposé par le gouvernement (pour des raisons d’économie d’eau), augmentation du prix des nourritures de poissons.
Par contre, la situation est meilleure dans d’autres activités :
– ainsi, en 2013, 17 000 tonnes de fromages de 25 variétés ont été produites alors que la consommation intérieure est de 20 000 tonnes ; pour la première fois les exportations ont dépassées les importations. Les fromages importés proviennent principalement des Pays-Bas et de Bulgarie.
– de même, l’Arménie va commencer à exporter du miel vers l’UE.
Ainsi, si l’évolution du secteur agricole est positive, elle est bien insuffisante car de nombreux problèmes structurels existent, que l’Etat essaie de maîtriser autant que possible ; les plus importants sont :
– la vétusté du système d’irrigation et des matériel agricole,
– le problème du morcellement des terres,
– la mauvaise gestion des pâturages et l’organisation des coopératives agricole,
– le manque de financement, les taux d’intérêt bancaires sont très élevés,
– la faible productivité des ressources humaines,
– la mise à niveau du système de sécurité alimentaire,
– et l’inévitable problème de la corruption et de l’existence des monopoles.
La restructuration du secteur et l’amélioration des mécanismes d’accès à l’information et au marché sont donc nécessaires pour aider au développement de ce secteur clé pour l’économie arménienne.
La construction
Elle a enregistré pour sa part une progression de 0,7%. C’est la première fois depuis le début de la crise financière de 2008 que ce secteur enregistre une évolution positive grâce aux projets financés par le secteur public (+25%) alors que ceux des entreprises ont progressés dans une moindre mesure.
Les financements provenant des donneurs internationaux pour la construction de routes ou autres infrastructures ont été presque inexistants durant ce trimestre.
Cette évolution même modeste est jugée comme encourageant par les responsables mais la tendance, même à court terme, n’est pas claire. Cependant les sommes consacrées à la construction ont été multiplié par 1,9 entre février et mars 2014.
Dans un rapport récent, la Banque Mondiale a fait des prévisions relativement modestes pour l’agriculture et la construction, prévoyant que la croissance serait plutôt tirée par l’industrie et les services compétitifs.
Il faut rappeler aussi que ce secteur a tiré l’économie arménienne entre 2001 et 2007 avec une croissance moyenne annuelle de 12,5%.
Le secteur tertiaire
Il se porte relativement mieux : le commerce a progressé de 4,5% par rapport à la même période de 2012 et les services de 3,5%.
Les nouvelles technologies et le tourisme sont des secteurs stratégiques pour l’Arménie avec un potentiel important de croissance. Le secteur bancaire est stable.
a) Les nouvelles technologies de l’information (NTI)
Le secteur NTC est constitué de plus de 300 entreprises avec 5500 collaborateurs spécialisés ; en y joignant le secteur des télécommunications le nombre des salariés atteint 10000. Le marché peut absorber un millier de nouveaux spécialistes chaque année.
Ces entreprises font surtout de la sous-traitance et le secteur génère des revenus de 20 millions de USD chaque mois.
Deux manifestations internationales d’importance ont lieu chaque année au mois d’octobre : le salon DIGITEC et le congrès ArmTech ; elles attirent de plus en plus de spécialistes d’un grand nombre de pays.
Les grands noms de l’informatique sont présents ; on peut citer entre autres :
– la société Synopsys (leader mondial du software et des composants électroniques) qui emploie en Arménie 550 spécialistes de haut niveau sur les 6000 dans le monde (9%).
Ce centre effectue 10% des activités de recherche de la société et collabore avec 4 universités arméniennes. Un centre de formation prépare aussi des ingénieurs hautement qualifiés.
– le centre d’innovation de Microsoft créé en 2011 à Yérévan; ce centre est classé parmi les 4 meilleurs centres de la société dans monde.
– le centre de recherche informatique de D-Link’s à Gyumri où travaillent 70 spécialistes.
– le centre de formation arméno-indien C-DAC (Center for Development of Advenced Computing)
– le centre international d’excellence en marketing : à l’initiative du professeur Philip Kotler
– le laboratoire spécialisé dans l’éducation de ‘National Instruments’
Le développement des NTI nécessite des capitaux importants et une restructuration du secteur.
b) Le tourisme
C’est un secteur très important pour l’Arménie. Il se développe sous toutes ses formes (tourisme culturel, religieux, séjours d’étude, randonnées, gites,…) et le nombre de touristes dépassera cette année le million. Il a augmenté très régulièrement ces dernières années : +18,9% en 2010, +10,8% en 2011, +11,2% en 2012 et +9,7% en 2013.
Chaque année une dizaine d’hôtels sont construites et leur nombre dépasse les 320 aussi bien à Yérévan qu’en province.
c) Le secteur bancaire
Aujourd’hui, 21 banques (avec 450 agences) sont en activité ; elles sont chapeautées par la Banque Centrale d’Arménie. Les lois bancaires permettent à cette dernière d’encadrer et de contrôler l’activité bancaire d’une manière efficace.
Entre fin 2010 et fin 2013 :
– les déports ont été multipliés par 2,1 à 3975 m USD
– les crédits ont été multipliés par 1,7 à 4379 m USD
– le nombre de clients a été multiplié par 1,7 à 1,9 millions (dont 1,8 millions sont des personnes physiques
– le nombre de comptes bancaires a été multiplié par 1,74 à 3,1 millions de comptes (dont 3 millions appartiennent à des personnes physiques)
– en 2013, les comptes des personnes morales ont progressé de 29,3% et ceux des personnes physiques de 63,1%.
Enfin en 2013, l’ industrie a bénéficié de 21,7% des crédits bancaires, l’agriculture de 6,1%, la construction de 6,5%, alors que 63% sont allé au secteur tertiaire (commerce, services, consommation et les crédits hypothécaires) ; en 2003 ces derniers n’étaient même pas mentionnés explicitement dans les statistiques. Ceci montre la profonde transformation de l’économie arménienne.
Faiblesses et atouts de l’économie arménienne
1) Les points faibles de l’économie arménienne peuvent se résumer ainsi :
– L’enclavement du pays et sa forte dépendance de la Géorgie pour les échanges.
– La faible diversification de l’économie, la faiblesse des exportations et la forte dépendance de l’industrie à la demande extérieure. Environ 40% des exportations concernent les produits miniers qui est un secteur à forte concentration de capitaux étrangers (allemands, russes) ; il est extrêmement sensible à la demande internationale.
– La forte dépendance de l’extérieur. Les transferts de fonds des « émigrés économiques » installés en majorité en Russie représentent environ 18% du PIB.
– La corruption de l’Administration est le mal chronique qui ronge le pays depuis longtemps. Des efforts assez réussis ont été fait au niveau des PME, mais la tâche est bien plus rude au niveaux des grandes entreprises et des oligarques. Forte collusion business-milieux politiques
2) Avantages de la coopération avec l’Arménie : on peut citer en particulier :
– Le haut niveau de connaissances scientifiques et techniques. Il existe un savoir faire incontestable dans de nombreux domaines de la production, avec une main d’œuvre qualifiée et des rémunérations encore relativement faibles.
– La proximité de grands marchés tels que ceux de la Russie, de la CEI et de l’Union Européenne, mais aussi ceux du Proche-Orient et des pays arabes.
– La construction annoncée d’un chemin de fer Arménie-Iran permettra, dans quelques années permettra le transport rapide de marchandises vers les pays du Golfe, l’Inde et la Chine. Il en va de même de la construction d’une autoroute Arménie-Mer Noire par le sud de la Géorgie (les travaux sont déjà commencés).
– les avantages commerciaux : les exportations arméniennes vers la Russie sont exemptées de droits de douanes ; il est donc facile d’exporter vers ce pays à partir de l’Arménie. Des entreprises commerciales et les producteurs français peuvent facilement tirer avantage de cet atout .
L’Arménie peut-elle être considérée carrefour régional ?
C’est une ambition ancienne des autorités mais est-elle réalisable ? Contentons nous de quelques observations.
Dans le domaine des voies de communications il faut rappeler que
– la Banque de Développement Asiatique (BDA) a avancé un crédit de 500 m USD pour permettre à l’Arménie de réhabiliter son infrastructure routière vers la Géorgie et de la relier à l’autoroute qui traversera le sud de la Géorgie jusqu’aux ports de Poti et Batoumi.
– le chemin de fer Arménie-Iran aura un rôle stratégique.
Ces 2 projets font partie du « Corridor International Nord-Sud » ; c’est une route multimodale qui a été conçu en 2001 pour promouvoir la coopération internationale. Onze pays participent à ce projet qui doit relier l’Océan Indien et le Golfe Persique à la Mer Caspienne via l’Iran et à l’Europe du nord via la Russie.
Dans le domaine énergétique, l’Arménie est souvent considérée comme un pays pauvre en énergie, malgré ses exportations d’électricité vers la Géorgie et l’Iran.
Pour donner une idée de son potentiel dans ce domaine qu’il suffise de mentionner
l’exploitation, bien que limitée, du gazoduc Iran-Arménie, l’exploitation de la 5ème unité de la centrale thermique de Hrazdan, le projet de construction de 2 centrales hydroélectriques des 2 côtés de la rivière Araxe à la frontière avec l’Iran. La construction d’une nouvelle centrale nucléaire a été reportée à plus tard.
La Turquie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan subissent des coupures fréquentes d’électricité et sont des clients potentiels de l’Arménie. Il en va de même de l’Iran qui poursuit une politique de « troc » : investissements dans des projets en Arménie et fourniture de gaz contre importation d’électricité.
Il ne faut pas oublier que dans cette région très sensible du globe, les intérêts souvent contradictoires des grandes puissances et des pays de la région ainsi que les données géostratégiques sont toujours présents et empêchent ou ralentissent la réalisation des projets .
Gérard Achdjian
APRICOT Group
Mise en relations d’affaires avec l’Arménie
www.apricotgroup.eu
Pour des informations détaillées sur l’économie de l’Arménie, veuillez consulter le site
www.gab-ibn.com
– L’Arménie est un pays montagneux de 29743 km².
– 71,3% de sa superficie sont des terres agricoles et 12,4% sont couverts de forets.
– Son point le plus élevé est la mont Aragatz (4090 m) et son point le plus bas, la rivière Débét (375 m). Le lac Sévan (1266,1 km²) est à 2000 m d’altitude.
– Sur les 3,28 millions de personnes ayant la nationalité arménienne 2,87 millions vivent dans le pays.
– Environ 20% de la population a moins de 15 ans, 68,5% entre 16 et 64 ans, et 11,5% plus de 65 ans.
– La population active est estimée à 1 090 000.