Un développement grevé par la lenteur des réformes
La création du système bancaire en Arménie remonte à avril 1993, lorsqu’ont été adoptées la loi relative à la création de la Banque Centrale d’Arménie (BCA) et celles qui organisent l’activité bancaire dans le pays. Depuis le 22 novembre 1993, le Dram (AMD) est l’unité monétaire officielle.
La mise en place du système bancaire
Un système bancaire quelque peu chaotique a fonctionné durant les deux premières années de l’indépendance, avec environ 70 banques, anciennement soviétiques ou nouvellement créées. Mais très vite, la BCA a pu s’imposer et structurer progressivement le marché bancaire, aidée en cela par le Fonds Monétaire International (FMI). Un grand nombre de banques ont été mises en liquidation et déclarées en faillite, ou encore n’ont pas pu répondre aux exigences minimales des lois bancaires. La restructuration a continué jusqu’à récemment, avec des fusions et des acquisitions par des banques étrangères. Aujourd’hui, le nombre des banques en activité est de 21, avec 447 agences.
Les lois bancaires adoptées durant toute la décennie passée permettent à la BCA d’encadrer et de contrôler l’activité bancaire d’une manière efficace et de maintenir les conditions favorables d’activité. Elles ont rapport, entre autres, aux normes comptables et diverses régulations, aux faillites, à la création de réserves de garanties, au secret bancaire, au contrôle et à la régulation monétaire, etc.
Depuis juillet 2005, le minimum du capital a été porté à 5 millions USD. Les banques incapables d’assurer cette condition minimale ont reçu le statut d’organismes de crédits. Durant cette même année, ont été aussi créées la Centrale des risques et le système d’assurance des dépôts.
Ces efforts ont permis de renforcer le système bancaire et d’améliorer la qualité des actifs et des services rendus. Les banques arméniennes sont aujourd’hui transparentes et dignes de confiance.
Le développement rapide : capital, ratios, nombre de clients et comptes bancaires
Ces dernières années, le capital total des banques a été presque triplé, les ratios bancaires montrent une évolution positive et le nombre de clients et de comptes bancaires a fortement augmenté.
1- Le capital total des banques était de 943,7 m USD en juin 2011 contre 329,3 m fin 2006. L’Etat n’est actionnaire dans aucune d’entre elles et les non résidents peuvent détenir des parts de capital. Ainsi :
– une proportion d’environ 74% du capital global est détenue par des non résidents.
– dans 10 banques, 100% des parts appartiennent à des non résidents.
– dans 6 banques uniquement, la part des étrangers est inférieure à 50%.
Certains organismes internationaux participent aussi au capital des banques arméniennes :
– La Banque Européenne de Reconstruction et de Développement (BERD) : 16,67% à 25% dans quatre banques,
– L’International Financial Corporation (IFC) – Groupe de la Banque Mondiale : 10% dans deux banques,
– La Banque de développement allemande KfW : 13,5% et 14,8% dans deux banques,
– Le Fonds de développement de l’OPEP : 10% dans une banque.
Par ailleurs, plusieurs organismes nationaux permettent d’assurer la coopération bancaire. Les plus importantes sont : l’Union des Banques d’Arménie, l’Organisme d’arbitrage financier, le Médiateur financier, Le Fonds de garantie des dépôts, le « Credit Reporting Agency » (ACRA), le Système de paiement unifié « ArCA ».
2- Les indicateurs financiers et les ratios soulignent encore plus ce développement rapide. Ainsi :
a- Entre 2006 et 2011, les actifs de l’ensemble des banques ont progressé de 186,6%, les dépôts de 144,0%, les crédits de 291,4% alors que le PIB augmentait de 48,5% et le personnel bancaire de 60,6%.
b- L’évolution des ratios significatifs aboutit à la même conclusion ; ils ont triplé en 5 ou 6 ans.
Le ratio « Capital/PIB » est passé de 3,1% en 2002 à 9% en 2010 ; le ratio « Actifs /PIB » de 16,8% à 45% durant la même période ; le ratio Crédit/PIB a progressé de 10% en 2006 à 29% en 2010.
c- Les ratios de profitabilité et de capitalisation donnent les valeurs suivantes pour 2010 :
a) ratios de profitabilité
– ROA = résultat net / total actifs = 2,37% (« Return On Assets » ou Rendement de l’actif investi)
– ROE = résultat net/capitaux propres = 11,36% (« Return On Equity » ou Rendement sur capitaux propres)
b) ratios de capitalisation
– Capital total/Actif total = 21,1%
– Capital total/Passifs = 26,7%
3- Les dépôts des banques en 2011 ont représenté 2,5 milliards USD soit respectivement 9,6 fois et 3,4 fois de leurs valeurs en 2002 et 2006.
4- Nombre de clients et de comptes bancaires
Aujourd’hui, 47% des adultes ont un compte bancaire contre 30% en 2006 et 13% en 2000 ; leur évolution est donnée par le tableau. De même, les cartes de crédit sont largement utilisées.
L’évolution des dépôts bancaires
L’évolution des activités bancaires, et en particulier des dépôts et des crédits, est influencée par l’environnement géopolitique et la situation économique générale du pays. Ces considérations guident le choix entre dépôts à vue ou à terme et entre dépôts libellés en AMD ou en devises. Il en va de même pour les crédits accordés.
Evolution des dépôts à vue et des dépôts à terme
La part des dépôts à vue par rapport à l’ensemble des dépôts a baissé de 46% en 2006 à 37,4% en 2011. Inversement, la part des dépôts à terme a progressé régulièrement jusqu’à 62% en 2011. Cela reflète une confiance plus grande dans la monnaie nationale ; l’épargne est bloquée dans des proportions plus importantes.
Evolution des dépôts en Dram et des dépôts en devises
En période de crise, les détenteurs de fonds et les épargnants ont tendance à être méfiants vis-à-vis du Dram et ont tendance à augmenter la part de leurs dépôts en devises :
– 2006 et 2007 étaient des années de consolidation de la croissance donc d’une plus grande confiance dans le Dram ; la part de la monnaie nationale était relativement élevée (44%).
– mais en 2008, année du conflit russo-géorgien, et en 2009, année où la crise internationale était au plus fort, les dépôts en AMD ne représentaient qu’un peu plus du quart du total ; ils remontèrent ensuite à 31,8% en 2011.
L’évolution des crédits bancaires
Les crédits bancaires ont continué à progresser durant toute la période de crise : +15,9% en 2009, +29,2% en 2010 et +33,8% en 2011. Mais comme pour les dépôts, leur structure a évolué en fonction de l’environnement économique.
Evolution des crédits aux entreprises et aux ménages
Dans une première phase, la part des entreprises a baissé pour deux raisons : d’une part, l’accroissement rapide des crédits à la consommation et des crédits aux logements à partir de 2005-2006, et d’autre part la situation de guerre et de crise économique en 2008-2009.
Mais dans une deuxième phase (fin 2009, 2010, 2011), la tendance s’est inversée en raison des crédits accordés aux entreprises en difficulté et des crédits au secteur minier, mais aussi de l’atténuation de la crise.
Pour les mêmes raisons, les crédits aux ménages ont suivi une évolution inverse. En particulier, ils ont accusé un recul de 7,4% en 2009.
Evolution des crédits en Dram et en devises
Les crédits libellés en AMD ont baissé de 7,7% en 2009, pour augmenter ensuite de 11,6% en 2010 et 22,6% en 2011.
Ceux libellés en devises ont accusé de fortes augmentations durant les trois dernières années : +54,0%, +46,2% et +42,1%.
Evolution de la structure des crédits selon les secteurs économiques
Jusqu’en 2004, l’industrie en accaparait la part la plus importante (43,5% en 2004), l’agriculture environ 10%, le reste allait surtout vers les besoins du tertiaire. A partir de 2006, la direction des statistiques a publié des chiffres plus détaillés en distinguant les crédits au commerce, aux services, à la consommation et aux logements. Ainsi, si en 2004 les crédits consacrés au tertiaire représentaient 38% de l’ensemble, ils en totalisaient 69,9% en 2006 et 72,2% en 2008.
Cette part a commencé à reculer les années suivantes, en raison de la crise et de la baisse du pouvoir d’achat : 62,8% en 2009, 59,8% en 2010 et 59,9% en 2011.
Avantages et inconvénients pour un développement futur
Le système bancaire arménien présente des avantages compétitifs certains. Jusqu’à présent, les banques arméniennes ont fait preuve d’un développement durable et soutenable ; il n’y a aucune raison pour que cela ne continue pas à l’avenir, pour peu que la BCA continue à imposer une discipline stricte et la transparence des comptes. De même, le secteur a enregistré durant ces dernières années une croissance rapide, des profits élevés avec une bonne gouvernance.
Mais ces atouts sont jugés insuffisants pour qu’à l’avenir les banques puissent jouer, avec plus d’efficacité, leur rôle d’intermédiation financière au service de l’économie réelle. La raison principale est leur taille relativement petite, et surtout la lenteur des réformes dans le secteur réel.
En d’autres termes, il existe une sorte de dichotomie puisque d’une part le secteur bancaire est plus structuré et mieux régulé que le secteur réel, et d’autre part tous les flux de paiement et toute la liquidité ne passent pas par le système bancaire. Une partie non négligeable du secteur réel préfère travailler en espèces et elle est souterraine ; la discipline comptable et donc la transparence n’y sont pas garanties.
Ce manque de liquidités donne lieu à des taux d’intérêts élevés (en moyenne entre 10% et 12%), souvent impossibles à supporter par les PME et les ménages.
Dans ces conditions, il est difficile pour le secteur bancaire de jouer efficacement son rôle de financement de l’économie réelle.
Les conditions de la croissance future du secteur bancaire passent donc par l’accélération des réformes structurelles, le développement normal d’une économie de marché et une intégration plus poussée des secteurs réels et bancaires.
Gérard Achdjian
APRICOT Group
Mise en relations d’affaires avec l’Arménie
* Pour des informations détaillées sur l’économie de l’Arménie, veuillez consulter le site www.gab-ibn.com .