Nous continuons dans ce numéro la description de l’économie arménienne depuis le début de l’année. Après le secteur réel et le budget, nous abordons dans cette chronique l’évolution du secteur bancaire en 2016, sa restructuration et les interventions de la Banque Centrale.
Troisième partie : La restructuration du secteur bancaire et les interventions de la Banques Centrale
En mai dernier, la Banque Centrale d’Arménie a publié son rapport annuel ; la situation de l’économie arménienne y est qualifiée de « pas tout à fait bonne ».
Le taux de croissance a été de 1,5% au deuxième trimestre de 2016 (en baisse par rapport à la même période de l’an dernier) et de 4,5% pour les 3 premiers de l’année.
Les importations sont en baisse aussi et les exportations n’augmentent qu’en raison de l’activité vigoureuse du secteur minier.
Pour renforcer le secteur bancaire la Banque Centrale a augmenté l’exigence de capitalisation des banques pour les aider à créer plus de capacité de financement.
Dans ces conditions la restructuration du secteur bancaire et les interventions de la Banque Centrale sont d’une importance capitale.
I- La restructuration du secteur bancaire
1- L’augmentation du capital minimum des banques
En 2015 le capital total des 21 banques arméniennes a progressé de 17,8% à 561,9 milliards AMD ou 1 170 millions de dollars américain (m USD).
Cette augmentation fait suite à une décision de fin 2014 de la Banque Centrale, de porter le capital minimum des banques de 5 milliards à 30 milliards AMD (environ 63 m USD). Elle sera effective à partir du début 2017.
La mesure est destinée à consolider la position des banques et encourager les fusions pour créer un environnement concurrentiel plus efficace.
Plus de la moitié des banques remplissent déjà cette exigence ; celles qui ne seront pas en mesure de la satisfaire devront fusionner avec d’autres banques ou se transformer en organismes de crédit. D’ici 2017, il ne devrait rester que 17 ou 18 banques commerciales dans le pays.
2- L’augmentation des réserves pour « créances douteuses » et opérations de fusion
Au cours du 2ème trimestre 2016 les réserves pour « créances douteuses » de l’ensemble des banques ont augmenté de 11,7% à 93,5 milliards AMD (193 m USD).
Celles du Groupe Areximbank/Gazprombank ont progressé le plus ; elles représentaient 47% de son portefeuille de prêts au 30 juin 2016.
Ce taux élevé s’explique surtout par les sanctions imposées à Gazprom, Gazprombank et plusieurs autres sociétés russes par le Bureau de contrôle des avoirs étrangers américain (US Department of Treasury).
Le 7 octobre dernier, Gazprombank a vendu ses actions de la banque arménienne Areximbank au groupe industriel et financier « Region » détenu par le célèbre homme d’affaires russe Karen Safaryan, unique actionnaire et président du Conseil d’Administration de Ardshinbank.
Le processus de fusion sera lancé sous peu et la nouvelle structure financière deviendra la plus grande sur le marché arménien en termes de capitaux, d’actifs et de réseau de succursales. Le capital de la « nouvelle » Ardshinbank augmentera à près de 74 milliards AMD (156 m USD), les actifs à 540 milliards (1 137 m USD) et le nombre de branches à 72.
Elle aura ainsi la possibilité d’élargir la gamme de ses services, d’adopter de nouvelles techniques de gestion et d’acquérir de nouveaux avantages concurrentiels sur le marché.
Le groupe « Region Industrial Finance Corporation » a été créée en 2006 et a fait, depuis lors, des investissements importants en Arménie.
Plusieurs autres opérations de fusion ont été déjà réalisées ou sont en cours. On peut citer l’acquisition en mai dernier de ProCredit Bank par Inecobank et l’annonce de l’accord de pré-fusion de BTA Bank et Armeconombank.
Araratbank pour sa part envisage une introduction en bourse pour augmenter ses réserves de fonds propres.
Cette banque est contrôlée par « Flash », une société financière et commerciale ; les autres actionnaires sont la BERD (25%) et le Rural Impulse Fund, une filiale de la société d’investissement internationale Incofin (10%).
II- Les interventions de la Banques Centrale
Deux techniques ont été privilégiées durant cette période : les interventions sur le marché des changes et le taux de refinancement de la Banque Centrale.
1- La stabilité du taux de change et les interventions de la Banque Centrale sur le marché des changes
En décembre 2014, la monnaie nationale avait perdu 20% de sa valeur en seulement quelques jours ; mais, grâce aux interventions de la Banque Centrale, cette forte volatilité a été maîtrisée. L’année 2015 a été une période de stabilité relative alors que les monnaies des autres anciennes républiques soviétiques suivaient le rouble dans sa chute.
Mais le dram a commencé à se déprécier encore une fois entre novembre 2015 et janvier 2016 obligeant la Banque Centrale à injecter d’importantes quantités de dollars sur le marché.
La situation s’est calmée rapidement et fin septembre 2016 le dollar s’échangeait contre 474,46 AMD ; mais la situation doit être suivie de près puisque l’économie de l’Arménie est fortement liée à celle de la Russie.
Une dépréciation du dram comporte des risques d’inflation, car le coût des importations augmente ; parallèlement un dram plus fort contre le rouble signifie une concurrence accrue pour les exportateurs arméniens sur le marché russe.
2- L’inflation et les réajustements du taux de refinancement
Depuis le début de l’année 2016, l’indice des prix à la consommation a eu tendance à baisser et la Banque Centrale a réajusté à plusieurs reprises son taux de refinancement (taux de base) qui est passé de 8,75% à 6,75% entre fin 2015 et septembre 2016.
Ces baisses ont pour objectif de relancer l’économie et la demande ce qui contribue aussi à augmenter les prix.
Pour la Banque Centrale l’environnement déflationniste sera neutralisé avant la fin de l’année et l’inflation reviendra à son niveau de 2015.
Pour l’ensemble de l’année 2016, le gouvernement prévoit, comme l’année dernière, un taux d’inflation compris entre 2,5 et 5,5%.
III – Financement des importations et des exportations : nouvel instrument de financement et emprunts internationaux
De nouveaux dispositifs de garantie et de financement ont permis aux banques de financer des importations et exportations. En voici quelques exemples.
1- Le financement préalable à l’exportation de l’ArmSwissbank
C’est un nouvel instrument de financement en Arménie proposé par l’Agence d’assurance des exportations (financement des garanties pour les polices d’assurance).
ArmSwissbank a été la première banque à proposer ce genre de police de garanties. Jusqu’à présent, plus de 30 opérations d’exportation d’une valeur de 1 m USD ont été ainsi financées. Les taux d’intérêt se situent entre 8 et 14%, selon les monnaies et les termes.
2- Des emprunts destinés au financement des PME
En juin, Ameriabank a vendu des obligations d’une valeur de 20 m USD à quatre fonds établis au Luxembourg pour financer des PME. Elle a aussi emprunté 40 m USD à la BERD et 50 m USD à la Société financière internationale de la Banque Mondiale. Ces emprunts sont destinés au financement des PME arméniennes.
3- Premiers prêts commerciaux de la Banque Asiatique de Développement (BAD)
En juin toujours, la BAD a approuvé ses premiers prêts commerciaux en Arménie. Ce sont des facilités de crédit renouvelables destinées à trois banques.
– à Ameriabank pour financer l’exportation de fromages arméniens à un grand détaillant en Russie.
– à Ardshinbank pour financer l’importation de biens d’équipement.
– à ArmEconomBank pour permettre l’importation de panneaux de fibres destinés à la fabrication de meubles spécialisés.
Le secteur bancaire, en pleine restructuration, est appelé à jouer un rôle essentiel dans l’économie de l’Arménie. Il doit encore évoluer pour s’adapter aux besoins du pays et permettre le financement de sa croissance ; la baisse des taux d’intérêt bancaires paraît être une condition indispensable de ce processus.
Gérard Achdjian
APRICOT Group
Mise en relations d’affaires avec l’Arménie
www.apricotgroup.eu
Pour des informations détaillées sur l’économie de l’Arménie, veuillez consulter le site www.gab-ibn.com