En Arménie, l’exploitation minière remonte au troisième millénaire avant J.-C. C’est en 1763 que la première usine de traitement de minerais a été construite à Akhtala ; en 1900, l’Arménie produisait 20% du cuivre de tout l’Empire russe. Aujourd’hui, le pays est surtout riche en minerais de molybdène, de cuivre et d’or (1). Mais si ce secteur est crucial pour l’économie du pays, son développement pose également la plupart des problèmes qui font l’Arménie d’aujourd’hui.
■ La situation depuis l’Indépendance
Après l’effondrement de l’Union soviétique, la production a été interrompue pendant plusieurs années, en raison des crises énergétiques et de l’instabilité économique du pays. Elle a redémarré progressivement avec les réformes économiques entreprises au milieu des années 1990, et le gouvernement a commencé à privatiser les compagnies minières – un processus qui s’est achevé en 2004. En 2009, avec le redressement des prix sur les marchés internationaux, la production et les exportations ont repris vigoureusement et s’améliorent d’année en année.
Selon l’Agence de Développement Arménienne (ADA), entre 2004 et 2009, 680 licences d’exploration et 600 licences d’extraction ont été délivrées. Cependant, une trentaine de ces mines (métaux de base et métaux précieux) sont importantes. Le ministère de l’Energie et des Ressources naturelles est chargé de réglementer le secteur, en délivrant les licences et en surveillant l’exploration et la production. Les contrôles environnementaux incombent au ministère de la Protection de la Nature. Le « Code du sous-sol » et la « Loi sur les concessions » de 2003, qui sont à la base de la réglementation, ont été modifiés afin d’améliorer les conditions d’exploration et d’exploitation. Pour attirer les investissements, il n’y a aucune restriction à la délivrance de licences aux entreprises étrangères.
Dans certains cas, les mines et/ou les licences d’exploitation sont détenues directement par des Arméniens (parlementaires ou proches de l’exécutif) à travers des sociétés anonymes ; dans d’autres cas, elles sont cédées à des entités étrangères (2). Depuis 2003, la taxe sur l’exploitation des ressources minières a été remplacée par une redevance variable en fonction de la rentabilité de l’entreprise.
Mais le secteur minier est confronté à des difficultés. La première concerne les coûts de transport élevés, notamment pour les mines situées au sud du pays ; pour être exportés, ces minerais doivent être acheminés par voie terrestre, via la Géorgie, jusqu’aux ports de la mer Noire. La deuxième difficulté est relative aux problèmes environnementaux liés à l’industrie extractive. Par ailleurs, depuis 2005, les compagnies minières doivent effectuer des versements à un Fonds spécial de protection de l’environnement.
■ Les principaux sites miniers et les problèmes environnementaux
a) Le site de Kadjaran (cuivre, molybdène)
Découvert en 1925, ce site est exploité par Zangezur Copper Molybdenum Combine CJSC, dont 60% appartiennent directement à la société minière allemande Cronimet Mining AG et le reste indirectement via des sociétés minières arméniennes. Les réserves estimées sont de 4 355 000 tonnes de cuivre (60% des réserves de cuivre du pays) et 673 000 tonnes de molybdène.
b) Le site d’Agarak (cuivre, molybdène)
Depuis 2007, ce site est exploité par la société russe GeoProMining via Agarak Copper-Molybdenum Mine Complex. La ville d’Agarak est située sur le fleuve Araxe (frontière avec l’Iran), qui irrigue 140 hectares de terres agricoles. Cependant, plusieurs installations et barrages de déchets miniers déversent leurs effluents dans ce fleuve. Des études sont indispensables pour déterminer leur nocivité pour les populations et les cultures.
c) Le site de Kapan (or, cuivre, molybdène, zinc)
Ce site est exploité par Dundee Precious Metals Inc. (Canada) via Deno Gold Mining Company. Les réserves sont estimées à 14,6 millions de tonnes de cuivre de différentes concentrations, mais aussi du plomb, du zinc, de l’or et de l’argent. L’ouverture de la mine à ciel ouvert de Chahoumian permettrait d’augmenter la production, mais aurait un important impact sur l’environnement, ce qui entraîne l’opposition de la population.
d) Le site d’Alaverdi (cuivre)
Son exploitation a été arrêtée en 1989 sous la pression des mouvements écologistes. Mais en 1995-1996, l’usine a été progressivement remise en état et a recommencé à produire. En 1997, la firme Manes & Vallex (Suisse – Liechtenstein) a acquis une part majoritaire de l’entreprise, qui a pris le nom d’Armenian Copper Program (ACP) en 2002. L’usine de traitement du minerai située sur ce site soulève des préoccupations, vu la dégradation de l’environnement et la forte pollution de l’air. Il est prévu que cette usine soit modernisée et agrandie pour traiter les minerais provenant aussi bien d’Alaverdi que de Teghut.
e) Le site de Teghut (cuivre, molybdène)
Depuis 2007, la société Valex Group, qui possède aussi la Fonderie d’Alaverdi, est engagée dans le développement de ce site dans la province septentrionale de Lori. Les réserves de cette zone sont estimées à 1,6 million de tonnes de cuivre et environ 100 000 tonnes de molybdène. Ce projet, qui devrait créer 1 000 nouveaux emplois, pose de graves problèmes écologiques. En effet, pour être rentables, les mines doivent être à ciel ouvert, ce qui suppose la disparition de plusieurs centaines d’hectares de forêt et la destruction du précieux écosystème de la région. Ces perspectives ont soulevé un immense tollé auprès de la population et dans les milieux écologistes, entraînant une très forte mobilisation. Malgré cela, le gouvernement a donné son feu vert à ce projet. Pour endiguer la vague de mécontentements, Valex Group s’est engagée à compenser les disparitions de forêt, en plantant 400 hectares d’arbres à proximité de la nouvelle mine.
f) Le site d’Ararat (or)
C’était l’un des principaux sites d’or exploités en Union soviétique. En 1996, la firme canadienne First Dynasty Mines et l’entreprise publique qui l’exploitait ont créé une entreprise conjointe, l’Ararat Gold Recovery Company. Deux ans plus tard, ce partenariat a été étendu à la production de nouveaux minerais et en 2001, la firme indienne Sterlite Industries a acheté First Dynasty Mines puis les parts du gouvernement arménien dans l’entreprise conjointe. Fin 2003, Ararat Gold a rouvert les mines de Sotk et de Meghradzor, dont l’exploitation était arrêtée depuis 1990. Les minerais seront transportés en train jusqu’à l’usine de traitement.
Il faut citer aussi les sites suivants :
– Tukhmanuk (or, argent), exploité par Global Gold Corporation ;
– Amuslar (or), exploité par Geoteam Lydian International ;
– Abovyan (fer, magnétite), géré par Bounty Resources Armenia (dont 35% appartiennent à la société chinoise Fortune Oil) (3) ;
– Chahoumian (or, cuivre, zinc, plomb, argent), exploité par Dundee Precious Metals Inc.
L’économie arménienne dépend fortement des activités minières. Mais la façon dont elles se sont développées depuis une décennie pose plusieurs problèmes :
– le faible développement de l’industrie de transformation des produits miniers oriente les exportations vers les matières premières, plutôt que vers les produits finis à forte valeur ajoutée ;
– les entreprises du secteur poursuivent leurs anciennes pratiques, en ignorant les conséquences écologiques de l’exploitation, alors que les versements au Fonds spécial de protection de l’environnement sont faibles ;
– le secteur est devenu en quelque sorte l’un des symboles de la collusion entre le gouvernement et l’industrie minière.
Le secteur minier a besoin de réformes fondamentales pour assurer un développement durable. Cela exige de la transparence, une bonne gouvernance et un dialogue démocratique entre tous les intervenants.
Gérard Achdjian
APRICOT Group
Mise en relations d’affaires avec l’Arménie
www.apricotgroup.eu
(1) Les réserves de plomb, d’argent et de zinc sont moins importantes. Mais il existe aussi des gisements de pierres et de minéraux industriels tels que le basalte, la diatomite, le granit, le gypse, le calcaire et la perlite.
(2) Par exemple, en 2010, Paramount Gold Mining, société détenue entre autres par le Président de l’Assemblée Nationale, a obtenu une licence d’exploitation de 25 ans pour la partie sud de la mine d’or de Meghradzor, dans la province de Kotayk. Hovik Abrahamian est intervenu également dans la vente de la mine d’or de Hankavan. La licence d’exploration d’une autre mine de cuivre et de molybdène dans le village de Yelpin (région de Vayots Dzor) a été attribuée à la société Argamik Ltd., détenue par Argam Abrahamian, le fils de Hovik.
(3) En janvier 2011, la société chinoise Fortune Oil de Hong-Kong a acheté 35% du capital de la société arménienne Bounty, propriétaire et opérateur de trois mines de fer en Arménie. Selon le site de la Bourse de Londres, le montant de la vente s’est élevé à 24 millions USD. Selon le site Hetq, les députés Vardan Ayvazian et Tigran Arzakantsyan seraient intervenus dans cette transaction ; une série d’opérations et de holdings aurait permis de ne pas révéler les noms des véritables propriétaires des entreprises et de contourner la surveillance des instances de contrôle.
Pour des informations détaillées sur l’économie de l’Arménie, veuillez consulter le site www.gab-ibn.com