Les autorités arméniennes et iraniennes ne manquent pas une occasion pour déclarer leur volonté d’élargir et de diversifier la coopération économique entre leurs pays.
Pour le ministre iranien des Affaires Etrangères « l’Iran est toujours déterminé à développer des relations plus étroites avec l’Arménie ; il existe un potentiel inexploré dans les relations économiques bilatérales. »
La frontière iranienne est la deuxième fenêtre de l’Arménie vers le monde extérieur, la première étant la Géorgie. Ce voisin du sud est important à un double titre : les échanges commerciaux et surtout la diversification de son approvisionnement en énergie.
L’importance de la géostratégie dans les relations arméno-iraniennes
La géopolitique régionale a toujours été présente et a conditionné les relations entre les 2 pays. Ainsi, durant la période soviétique, il n’y avait aucune relation entre l’Iran et l’Arménie ; c’est n’est qu’au lendemain de la dislocation de l’ex URSS que des vols réguliers directs ont été organisés et le « pont de l’amitié » a été construit à Meghri sur le fleuve Araxe à la frontière des 2 pays. L’intérêt économique et géostratégique de ce rapprochement est évident.
Pour l’Arménie, soumise au blocus économique de la Turquie et de l’Azerbaïdjan, ce pont est une des 2 voies d’accès au monde extérieur permettant les échanges commerciaux. D’autant plus que les relations avec la Géorgie ne sont pas toujours simples.
L’Iran de son côté voudrait avoir un rôle actif dans la région et préserver son intégrité territoriale. En effet, les autorités azéries ne sont pas insensibles à l’idée de créer un grand Azerbaïdjan en incluant les provinces azéries du nord de l’Iran. D’où l’intérêt de Téhéran à soutenir l’Arménie dans le conflit du Karabagh.
Les relations commerciales ont commencé à se développer à partir de 2003. Mais elles n’ont pas pu être complètement libéralisées pour 2 raisons essentiellement :
1- la différence de régime économique : l’Arménie est membre de l’OMC avec une économie libérale alors de l’économie iranienne est plutôt protectionniste.
2- le blocus économique imposé à l’Iran par les autorités américaines ; néanmoins celles-ci sont conscientes que l’Arménie n’a aucune alternative pour sa survie et elles tolèrent les relations économiques avec son voisin.
Dans tous les cas aucun des projets bilatéraux (oléoduc, gazoduc, chemins de fer, centrales hydroélectriques) n’a été suspendu jusqu’à présent. Au contraire, les visites présidentielles et ministérielles réciproques sont fréquentes de même que les rencontres à caractère économiques.
Ainsi la 10ème session de la Commission de Coopération Intergouvernementale a récemment eu lieu à Téhéran : l’accent a été mis sur la construction des 2 centrales hydroélectriques sur le fleuve Araxe ainsi que celle de la 3ème ligne de haute tension.
Par ailleurs, une délégation iranienne d’une centaine d’hommes d’affaires a participé le 19 juin dernier à un forum organisé par l’ADA (Armenian Devlopment Agency) pour renforcer les relations économiques entre les 2 pays. Ils représentaient 83 entreprises de secteurs aussi variés que l’agroalimentaire, la pétrochimie et les équipements électroménagers. Un premier forum avait eu lieu en février dernier à Téhéran.
Les principaux projets d’infrastructure énergétique et le commerce bilatéral
Certains de ces projets sont près d’aboutir alors que d’autres sont en cours d’étude et/ou de négociation. La réalisation de certains pourrait commencer assez rapidement ; on peut citer :
1- La construction de 2 centrales hydroélectriques, de 180 mégawatts chacun sur les 2 rives du fleuve Araxe : à Meghri côté arménien et à Karachilare côté iranien.
Le coût estimé varie entre 400 et 500 m USD et les travaux seront financés par la Compagnie Iranienne d’Investissement ; l’Arménie remboursera en exportant de l’électricité.
Les travaux, qui dureront 5 ans, devraient commencer incessamment, le 22 août de cette année a-t-on annoncé.
2- La construction d’une 3ème ligne de haute tension d’une longueur de 275 km entre la centrale thermique de Hrazdan jusqu’à la ville frontière de Meghri. En plus, une sous-station doit être construite à Noravan dans la région de Gegharkounik. Le coût du projet est estimé à 110 m €.
3- La construction d’un oléoduc permettant de transporter de l’essence et du fioul à partir des raffineries iraniennes de Tabriz vers l’Arménie. Selon un accord préliminaire l’Iran exportera vers l’Arménie 750 000 litres d’essence et autant de gazole quotidiennement, ainsi que du kérosène. Il aura une longueur de 365 km et un diamètre de 8 pouces (20 cm). Une commission technique est en train d’étudier le projet ; les travaux devraient commencer en 2014.
Cet oléoduc va permettre à l’Arménie de diversifier ses fournisseurs d’énergie. Il sera relié au réseau iranien, lui-même relié à celui des pays du Golfe. Ainsi, l’Arménie pourra-t-elle recevoir des produits pétroliers provenant de ces pays : elle bénéficiera de prix avantageux et réduira significativement ses coûts de transport.
Chaque pays financera les travaux sur son propre territoire. Le coût est estimé à 100 m USD pour l’Arménie.
4- La construction d’un gazoduc qui permettra à l’Iran d’exporter du gaz vers l’Arménie et de recevoir en contrepartie de l’électricité de la centrale de Hrazdan.
Il y a 6 ans, les 2 pays avaient signé un accord swap, permettant d’échanger 3kwh d’électricité contre 1 m3 de gaz naturel. Ainsi, l’Iran pourrait exporter jusqu’à 1 milliard de m3 de gaz annuellement.
Parmi les autres projets on peut citer
– La construction d’une ligne de chemin de fer d’une longueur de 540 km (environ 480 km en territoire arménien et 60 km en Iran). La construction devrait durer 5 ans et le coût devrait s’élever entre 1,8 à 2 milliards USD. Le financement proviendrait de la Banque Mondiale et de la Banque de Développement Asiatique. L’Iran participera à 25% du financement.
– Il existe aussi des dossiers qui n’ont pas encore abouti : la coopération renforcée dans le domaine de la santé, la coopération dans le domaine bancaire, la création d’une zone de libre échange entre les 2 pays et un accord douanier.
On voit bien que l’Iran et l’Arménie ont fait d’immenses progrès ces dernières années pour promouvoir les relations bilatérales. Les exportations de l’Arménie vers l’Iran ont été multipliées par 3,7 entre 2005 et 2011, et les importations en provenance d’Iran par 2,1.
L’Arménie exporte des métaux, des produits chimiques, des composants organiques et importe des huiles minérales, des produits plastiques, des produits en verre et des métaux. L’Iran est le 4ème partenaire commercial de l’Arménie.
Pour conclure on peut remarquer que même si cette coopération bilatérale se développe lentement en raison de la situation régionale compliquée, elle est indispensable pour l’Arménie au point de vu commerciale mais aussi et surtout pour assurer son indépendance énergétique.
Durant un récent séjour en Arménie, le ministre de l’Intérieur iranien déclarait que les relations arméno-iraniennes étaient profondes et amicales et rien ne pouvait les ternir.

Gérard Achdjian
APRICOT Group
Mise en relations d’affaires avec l’Arménie
* Pour des informations détaillées sur l’économie de l’Arménie, veuillez consulter le site www.gab-ibn.com .